Ce blog est un espace d’expression du Syndicat National des Personnels de la Formation Privée .
Le CDII est un contrat « sui generis ». Ce terme latin de droit signifie ‘spécial, propre à son espèce, à son propre genre’. Il qualifie une situation juridique singulière qui ne rentre dans aucun classement, dans aucune catégorie déjà répertoriés et nécessite de créer des textes spéciaux, spécifiques. Les employeurs nomment le CDII un ‘contrat atypique’. La loi ne prévoit que quelques garde-fous. Ce contrat se développe dangereusement aujourd’hui pour échapper aux contraintes du temps partiel.
Un salarié en CDD ou à temps partiel employé chez plusieurs employeurs peut, sous certaines limites, prétendre à des allocations de chômage en cas de perte d’emploi chez l’un de ses employeurs.
Pas le formateur en CDII puisque son contrat est à durée indéterminée.
Un salarié en CDI à temps complet bénéficie du régime des heures supplémentaires ; un salarié en CDI à temps partiel bénéficie du régime des heures complémentaires. Pas le formateur en CDII : ni le régime des heures supplémentaires, ni le régime des heures complémentaires ne lui sont applicables.
Un salarié en CDI bénéficie des avantages de la mensualisation.
Pas le formateur en CDII qui est rarement rémunéré pour les jours fériés.
Le formateur en CDII est, dans la plupart des cas, un salarié à temps partagé employé dans plusieurs entreprises à la fois qui cumule plusieurs contrats de travail (multi salariat).
Bon à savoir :
1. l’ordre des départs en congés fixé par l’employeur doit tenir compte de l’activité du salarié chez un ou plusieurs autres employeurs.
2. la visite médicale effectuée sous la responsabilité du principal employeur vaut pour les autres. Le temps et les frais de transport nécessités par les examens médicaux obligatoires sont pris en charge par les employeurs du salarié à temps partagé proportionnellement à la rémunération versée par chacun d’entre eux.
3. le salarié à temps partagé peut être électeur dans plusieurs entreprises mais n’est éligible que dans l’une d’elles. Il lui appartient de choisir dans laquelle il souhaite se porter candidat.
Le CDII existe dans de nombreux secteurs : l’enseignement supérieur hors contrat, le sport, le portage salarial, le champagne, les enquêtes, à la poste…
Entreprises de restauration de collectivités dans le secteur scolaire : l’accord prévoit que la durée annuelle prévue au contrat est fixée au minimum à 800 heures ou 900 heures travaillées ou assimilées. Ces 800 ou 900 heures doivent être effectuées en période A et B (correspondant aux périodes travaillées d’ouverture de l'établissement scolaire et aux congés scolaires hormis l’été), au cours de laquelle l'activité peut être partiellement maintenue et constituant une période tout ou partie travaillée ou non travaillée. Les congés payés, obligatoirement pris durant les périodes non travaillées, entrent dans le calcul de ces 800 ou 900 heures.
«Ce statut est accordé pour un minimum de 900 heures de travail par an, la rémunération peut être lissée sur 12 mois, le salarié bénéficie de la même couverture professionnelle toute l'année : arrêts maladie, congés payés... au prorata du nombre d'heures travaillées. Pendant les périodes creuses, il peut suivre des formations ou travailler ailleurs. Avec cet accord, on a des garanties pour mettre en place de nouvelles relations dans cette profession et lutter contre la précarisation de l'emploi», a expliqué Bernard Beaulieu, secrétaire général de l'intersyndicat CGT du champagne, syndicat majoritaire.
"En transformant ces contrats saisonniers en contrats permanents intermittents, on leur permet de se stabiliser et on s'engage à les reprendre l'année suivante, pour la même durée", a déclaré Yves Lombard, directeur général de l'Union des maisons de champagne (UMC), co-signataire du texte.
Le CDII sert à déployer la flexibilité du travail. Il permet aux employeurs d'ajuster plus facilement la durée du travail aux fluctuations de l’activité quotidienne ou hebdomadaire et de gagner en productivité. Les CDII sont généralement fixés au plus court ; les employeurs adaptent ensuite la présence des formateurs par des heures en complément, sans aucune majoration du taux horaire. Ce qui revient à transférer une grande partie du risque de fluctuation du marché sur les formateurs en CDII.
Les employeurs déclarent recruter des CDII pour convenance personnelle du salarié. En fait, c’est un contrat "faute de mieux".
L'incompétence d'un employeur à organiser le travail face à une activité variable ne doit pas pénaliser le personnel.
Le CDII est largement responsable de la précarité féminine dans notre branche. Les formateurs et formatrices se voient proposer des horaires atypiques, morcelés et irréguliers ; l’amplitude journalière dans les centres est de 8:00h à 20:00h ; les intervalles sans travail dans la journée peuvent être de plusieurs heures. Certaines semaines, la période d’inactivité est totale, c’est à dire que l’emploi du temps ne propose rien : zéro heure.
1986 : Apparu par ordonnance Delebarre, le CDII permet de déroger à un principe du contrat de travail : il permet à l’employeur de ne pas fournir de travail au salarié pendant certaines périodes et de ne pas le rémunérer.
Jusqu’à présent, l’employeur était tenu de fournir du travail contre salaire (art. L-223-15 du CdT). Ce nouveau contrat est soumis à l’obligation d’un accord de branche pour pouvoir être conclu.
Le CDII de l’article 6 de la CCNOF signée en 1989 a été rédigé par Maître Gilles BELIER, conseiller juridique de la FFP qui sera par la suite conseiller de M. AUBRY.
1993 : La loi quinquennale pour l’emploi GIRAUD supprime le CDII et le remplace par le contrat à temps partiel annualisé (CTPA). Il n’y a plus besoin d’accord de branche.
1999 : La CCNOF prévoit dans l’accord des 35hs la renégociation d’un CTPA conventionnel pour remplacer le CDII (titre VI de l’accord du 6/12/99). Ce CTPA ne sera jamais négocié. Depuis, des groupes de travail ont été constitués pour renégocier l’article 6 de la CCN jusqu’à aujourd’hui.
2000 : La loi AUBRY supprime le CTPA et instaure le temps partiel modulé et toute une série de dispositions pour limiter les abus en matière de travail à temps partiel. Elle rétablit également le CDII en le définissant (alternance de périodes travaillées et non travaillées).
La circulaire ministérielle de l'emploi et de la solidarité relative à la réduction négociée du temps de travail du 03/03/2000 (fiche n° 17) stipule:
"L'intermittence n'a nullement pour objet d'autoriser les employeurs à organiser le travail de façon à ne faire appel au salarié qu'en cas de besoin spécifique de l'entreprise (travail à la demande) pour pourvoir des emplois ne comportant pas, par nature, une alternance de périodes travaillées et non travaillées".
Ces droits peuvent trouver un bouclier dans les dispositions de l'article 1129 du Code civil. Le juge pourrait ainsi vérifier de manière rigoureuse que la "nature de l'activité" ne permet pas de fixer la répartition du temps de travail à l'avance.
Dans notre branche, le rapport de force existe. Les Organisations Syndicales représentatives des formateurs en CDII salariés des organismes de formation apportent les contributions nécessaires à la construction d'un article 6 protecteur et respectueux. Notre vigilance est totale. Tous -y compris les employeurs-, veulent un article 6 décent afin d'éviter les contentieux.
Les propositions des patrons, -dont certaines sont quasi outrancières- ne sont que des tentatives temporaires sans grande valeur, elles sont chaque mois, à chaque réunion, étudiées et révisées (amendées supprimées rejetées approuvées améliorées) par les OS présentes au groupe de travail
Dans toutes les branches professionnelles où ce contrat existe, les négociateurs côté salariés tentent de revendiquer pour le CDII les mêmes dispositions que pour le CDI à temps partiel ; en effet, le CDII peut être considéré comme une variante du temps partiel et il a grand besoin de bénéficier d’amélioration de ses dispositions légales.
Comment garantir les droits des salariés concernés par le CDII ? Quelles exigences pour sécuriser le travail des formateurs (le plus souvent, des formatrices) ? Quelles pistes légales pour accompagner notre négociation ?
1.
Le CDII est protégé par le Code du Travail ; il n’est pas « sorti » du champ général du droit sur le Contrat de Travail dans son chapitre préliminaire.
Art L 120-2 : Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché.
Art L 120-4 : Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Le CDII permet à un employeur de ne pas fournir de travail (intermittence) mais interdit de percevoir des indemnités de chômage (CDI). Ce contrat n’est pas exécuté de bonne foi, il est inique (du latin iniquus : inégal, défavorable, injuste, qui manque d’équité) pour la partie salariée.
2.
Le respect constitutionnel de la liberté du travail pour les temps partiels subis est un autre argument.
La FFP affiche de bonnes intentions dans le préambule de ses propositions : elle reconnaît au salarié en CDII le droit de pouvoir travailler pour plusieurs employeurs. Ces belles paroles doivent être appliquées concrètement.
Le texte proposé par la FFP (comme le texte conventionnel) avec son système de disponibilité/indisponibilité contractuelle et de refus comptabilisés pouvant remettre en cause le contrat de travail est, en lui-même, un obstacle au pluri-emploi.
Sur le plan juridique, cette clause porte atteinte à la liberté de travail.
Sur le plan social, elle empêche un salarié de retrouver du travail alors que le combat contre le chômage demeure une priorité.
Sur le plan économique, elle interdit au salarié de travailler dans le domaine où il est le plus performant.
La clause est malthusienne (T.R. Malthus, -1766-1835-, pasteur anglais et économiste, célèbre pour sa thèse sur les implications de la limitation des naissances).
Le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle se trouve à l'article L. 120-2 du Code du Travail : une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
L'évolution des jurisprudences qui restreignent de plus en plus le champ d'application d'une clause de non-concurrence trouve son origine dans la défense de la liberté du travail (qui doit être garantie). La liberté d'entreprendre, qui peut faire l'objet d'une CNC peut interdire au salarié de créer une entité économique directement concurrente de son ancien employeur.
L’obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière pose le problème de la détermination de son montant et du contrôle de proportionnalité qui en découle. Ce contrôle devra être exercé au cas par cas, mais laisse le salarié dans l'incertitude sur l'étendue de ses obligations...
Si vous avez dans votre contrat comportant une CNC sans contrepartie financière (ce qui semble être très fréquent pour vous), vous pouvez en réclamer l'annulation assortie de dommages et intérêts. Si vous ne souhaitez pas entrer en conflit ouvert avec votre employeur et que votre intention est juste de faire annuler la CNC de votre contrat, vous pouvez en la considérer cette clause comme nulle.
Si votre employeur préfère envisager de négocier le montant de cette contrepartie financière devenue impérative, cela pourrait constituer une modification du contrat de travail (anciennement appelée "modification substantielle"), dont le refus peut entraîner le licenciement (avec indemnités).
Pour obtenir cette contrepartie, vous n’avez pas à prouver que la CNC vous cause un préjudice (Cass. soc, 22 février 2000, n°98-43.005).
L'indemnité doit vous être versée dès votre départ effectif de l'entreprise puisque c'est à cette date que la CNC entre en application. Cette règle joue même si vous êtes est dispensé de préavis. (Cass. soc., 15 juillet 1998, n° 96-40.866).
La contrepartie financière a caractère d'un salaire (Cass. soc, 8 juin 1999, n° 96-45.616), est assujettie à cotisations sociales et doit être déclarée au titre de l'impôt sur le revenu.
La Cour de Cassation a confirmé la possibilité, pour le juge, de restreindre le champ d'application d'une clause de non-concurrence insérée dans votre contrat de travail "même si cette dernière apparaît comme indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise", dans le cas où cette stipulation vous empêche d'exercer une activité professionnelle conforme à votre formation et votre expérience professionnelle.
La Cour de Cassation consacre en quelque sorte la primauté de l'intérêt du salarié dans la gestion de son parcours professionnel sur celui de son employeur en cas de conflit. A l'inverse, pour l'entreprise, cette décision précarise encore un peu plus la clause censée protéger l'entreprise contre une concurrence excessive de la part de son ancien collaborateur.
3.
L’article L 212-4-12 (CDII) précise que les emplois concernés doivent être «définis». Or, ils ne le sont pas. Ni dans le texte de la proposition patronale, ni dans l’actuel article 6 de la CCN. Ce sont les emplois qui « par nature » comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées.
Nous devons obtenir la définition de ces « certains » emplois.
4.
Le mécanisme d’augmentation de la garantie annuelle doit être automatique, comme pour tous les temps partiels (L 212-4-6).
Après plusieurs séances de travail sur des thèmes rebattus touchant à :
- l’indisponibilité, la communication du planning prévisionnel, le délai de prévenance et la comptabilisation des refus,
- le paiement des cours supprimés hors délais de prévenance ou du fait de la survenance d’un jour férié,
- l’application des dispositions légales relatives au travail à temps partiel,
quelques avancées apparaissent, entre autres, rémunération des temps de déplacement (application de la loi Borloo sur le temps de trajet).