Le SMIC est un salaire horaire ; il est depuis le 1er juillet
2010 de : 8,86 €. Le salarié doit au minimum percevoir
cette somme pour chaque heure de travail, quelque soit
son mode de rémunération et sa durée du travail. Ainsi, si
le salarié travaille à temps complet (35 heures par semaine,
151,67 h par mois), il doit alors percevoir au moins :
1.343,77 € (soit environ 1.056,24 € net). Mais de nombreux
salariés au SMIC sont aussi à temps partiel (en
grande majorité des femmes), le SMIC est alors multiplié
par le nombre d’heures travaillées. Il est impossible de
vivre décemment avec un tel niveau de revenu. Agir pour
l’augmentation du SMIC est indispensable.
Et il est également nécessaire de faire respecter le
SMIC actuel. Un problème essentiel porte ici sur les sommes
perçues qui sont à prendre en compte ou non pour
vérifier si le salarié a bien reçu le SMIC ; c’est la question
de « l’assiette du SMIC » (le salaire effectivement perçu
à comparer au SMIC).
Le salarié peut avoir perçu un mois donné un salaire supérieur
au SMIC mensuel et pourtant le SMIC n’a pas été
respecté. En effet, toutes les sommes perçues par le salarié
ne sont pas à prendre en compte pour vérifier le
respect du SMIC. Ainsi, le salarié doit percevoir chaque
mois le SMIC sans que soient pris en compte plusieurs
sommes (qui vont s’ajouter à son salaire minimum). Il s’agit
notamment de la rémunération des heures supplémentaires,
des remboursements de frais de transport, des primes
d’assiduité et d’ancienneté, des primes liées à des
conditions de travail particulières, des primes collectives
de rendement, etc. En revanche, doivent être prises en compte les primes individuelles de résultats (commissions,
etc.). Un critère est retenu : les sommes ne sont prises en
compte que si elles ont un lien direct avec le travail réalisé,
avec la prestation personnelle du salarié (dans le principe
et dans la fixation du montant) sur laquelle le salarié
a une influence.
La question était posée concernant la rémunération des
temps de pause : les sommes correspondants à ces temps
sont-elles à prendre en compte dans le salaire pour vérifier
le respect du SMIC ou doivent-elles s’ajouter audessus
du SMIC ?
Ces rémunérations ne correspondant pas à la rémunération
d’un temps de travail, la rémunération ne doit pas
être prise en compte dans l’assiette du SMIC. Pour obtenir
cette solution, plusieurs actions judiciaires ont été
engagées, notamment dans le Commerce (la grande distribution
alimentaire en particulier – Carrefour, Auchan,
etc.) et l’agroalimentaire (voir CPH Perpignan, 1er avril
2008, Carrefour ; Tribunal de Police Lyon, 24 oct. 2008,
Carrefour ; Le Droit ouvrier, décembre 2008, pp. 623-
626).
Le Conseil de prud’hommes de Moulins a fait droit aux
demandes, de 32 salariés, de rappels de salaire ;
« l’indemnité forfaitaire de pause » (5% du temps de travail)
devant s’ajouter à la rémunération mensuelle minimale
(CPH Moulins, Commerce, 3 juin 2010, SAS Carcoop-
Carrefour).
Ces décisions prud’homales (rendues en dernier ressort)
ont préparé le terrain pour la Cour de cassation.
Une décision novatrice qui fait jurisprudence a été obtenue : « dès lors qu'il n'est pas contesté que pendant les
pauses, les salariés n'étaient pas à la disposition de
l'employeur de sorte que celles-ci ne constituaient pas
du temps de travail effectif, les primes les rémunérant,
qui ne sont pas la contrepartie du travail et dont
la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels
les salariés n'influent pas, sont exclues du salaire
devant être comparé au SMIC » (Cour de cassation,
Chambre sociale, 13 juillet 2010, numéros 09-42890,
09-42891 et 09-42892, Société Compagnie des Fromages,
aux droits de laquelle vient la Compagnie des Fromages et
Richesmonts-CFR, CGT Compagnie des Fromages ; arrêt
prononcé par la présidente de la chambre sociale et publié
au bulletin des arrêts de la Cour de cassation). Ainsi, la
rémunération des temps de pause ne doit pas être prise
en compte pour vérifier si le salarié a bien perçu le
SMIC ; ces sommes s’ajoutent au SMIC. (Bien entendu,
dans la construction des dossiers, il est nécessaire d’intégrer
les dispositions conventionnelles applicables.)
La solution de cette décision, qui concerne les nombreux
salariés rémunérés au SMIC dans ces branches (qui regroupes
environ 650.000 salariés), est à mettre en oeuvre
dans les entreprises, dans les négociations collectives,
d’entreprises et de branches, et, en cas de contentieux,
devant les juridictions.
Par ailleurs, des actions pénales sont également en cours,
le non-respect du SMIC constituant une infraction. En
réponse à une demande syndicale, des inspecteurs et
contrôleurs du travail ont dressé des procès-verbaux et
des organisations syndicales se sont constituées parties
civiles (FD Commerce, UD 95 et UD 69). Plusieurs décisions
ont été rendues au niveau des cours d’appel : deux
arrêts sont favorables aux salariés (CA Versailles, 17 mai
2010, SA Auchan ; CA Versailles, 17 mai 2010, SA Dagui),
un arrêt est défavorable (CA Lyon, 1er juin 2010, Carrefour).
Des pourvois ayant été formulés, la chambre criminelle
aura à se prononcer sur cette question. Le raisonnement
suivi par la chambre sociale devrait être repris par
la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Michel MINÉ
Droit en liberté n°34