Les événements qui touchent la CGT depuis quelques semaines sont d'une rare gravité dans
notre histoire. Une minorité de dirigeants est mise en cause publiquement pour des faits
inacceptables portant atteinte à l’intégrité de toute la CGT et de ses militants. Apres avoir
provoqué l'étonnement, les faits rapportés ont laissé place à l'inquiétude, puis à la colère et c’est
elle qui domine parmi les syndiqués et les militants. Ces faits nous discréditent parmi les
travailleurs. Il ne s'agit pas seulement de problèmes de dysfonctionnements comme certains ont
voulu l'expliquer, il s'agit d'une grossière violation des règles de vie de la CGT.
Les principes et les valeurs qui ont fait
l'identité et la grandeur de la CGT sont
aujourd’hui entachées par des pratiques
irresponsables, étrangères à la conception d'un
syndicalisme de classe forgé pendant plus d'un
siècle par des dévouements, des engagements
et de l’abnégation. Ceux qui en sont à
l'origine doivent collectivement et sans délai
quitter les responsabilités qui leur ont été
confiées par les syndicats et le Comité
Confédéral National (CCN). Ils ont perdu toute
crédibilité et représentativité pour parler au nom
de la CGT. C'est là une question d’éthique, de
politique syndicale et de sens des
responsabilités à laquelle aucun d'entre eux ne
saurait être dispensé de répondre!
Ils ont commis un tort sans précédent et
doivent rendre des comptes à toutes celles et
tous ceux qui représentent la CGT au quotidien
dans les entreprises, comme aux côtés des
privés d'emploi, des retraités, ceux qui ont la
tache de parler chaque jour au nom de celle-ci
et qui vont devoir expliquer comment et
pourquoi tout cela a été possible.
Au risque qu'elles se renouvellent demain de
telles "affaires" ne sauraient se régler à travers
la rivalité de clan, ou par les luttes stériles
d'appareil, de dirigeants qui ont failli aux
responsabilités qui leur avaient été confiées et
qui de plus ont fait le choix de vivre totalement
en dehors des réalités qui sont celles des
travailleurs. Il n'y a pas les droits pour certains
et les devoirs pour les autres. Ceux qui ont été
élus dirigeants doivent être des exemples dans
leur engagement. Cette crise ne se résoudra
pas en cédant aux pressions d'où qu'elles
viennent et pas davantage en procédant
simplement à quelques remplacements de
personnes !
Ne pas prendre les décisions qui s'imposent ne
ferait que retarder les échéances et reviendrait
à s'accommoder des graves manquements et
du discrédit créé. Tout cela ne pourrait
qu'affaiblir durablement la CGT, mettre en
cause sa place au sein du syndicalisme en
France comme à l’international, et à terme son
existence même. Les salariés en activité, privés
de travail ou retraités qui ont tant besoin de
s'organiser et de lutter pour leurs droits en
paieraient le prix. Le patronat et le
gouvernement trouvent là une nouvelle
occasion de s'en prendre au monde du travail,
de se déchainer contre les syndicalistes dans
les entreprises. C'est ce qu'ils font en
intervenant directement dans la vie de la CGT
et en spéculant sur les noms de celles ou ceux
qu’ils voient être califes à la place du calife.
Ce qui est sans doute "la pointe émergée de
l'iceberg" n'est-il pas au fond le résultat d'une
rupture avec ce qui était la CGT ? N'est-ce pas
le résultat d'une capitulation qui a contribué à
démobiliser, à désarmer et démoraliser les
militants et les travailleurs eux-mêmes ? Une
conception du syndicalisme rassemblé mise en
œuvre au début des années 9O totalement
dépassée mais qui en fait est utilisée pour
privilégier les rapprochements avec la CFDT
dans le but de recomposer le mouvement
syndical français et remettre en cause
l'indépendance de la CGT. La négociation au
détriment de l'action, les gages donnés au
patronat et au gouvernement,
l'institutionnalisation, la bureaucratisation de
l'appareil confédéral et de sa direction ont
contribué de par leurs orientations au 2
désengagement de la CGT dans les luttes
comme aux nécessaires solidarités avec ceux
qui résistent. C’est cette démarche qui a abouti
à faire de la CGT une organisation dirigée
aujourd’hui par un secrétaire général avec ses
conseillers non élus au détriment et à la place
des instances élues Commission Exécutive
Confédérale et CCN, dont les débats et avis ne
sont souvent pas pris en compte comme en
témoigne, entre autres, le dernier CCN.
Au plan international
Les compromissions, les équivoques et les refus de débats sur les positions prises sur la
Libye, la Syrie et Gaza, l'absence de soutien aux combattant-e-s de Kobane, la rencontre
avec le CRIF, le mépris affiché ou l’ignorance des expériences qui se mènent en
Amérique Latine ont affecté l’image de la CGT.
L’alignement sur les conceptions réformistes du syndicalisme européen procède de la
même démarche d’institutionnalisation et d’abandon d'un syndicalisme de lutte de classes.
Le refus de s’affranchir du concept fumeux d’Europe sociale en est une illustration qui
conduit la CGT à ne plus demander par exemple l’abrogation de la circulaire sur les
salariés détachés dont les salariés de la SNCM, d’Air France, de la construction ou de
l’agroalimentaire entre autres, paient lourdement le prix. Notre entrée dans la CES et la
CSI qui était justifiée pour faire entrer notre conception du syndicalisme et pousser aux
coopérations de luttes s'est transformée par un renoncement a notre autonomie
d'intervention, d'échanges avec les autres organisations syndicales notamment dans les
pays de la zone sud.
Elle s'est également caractérisée par un abandon d'année d'efforts et de travail de la CGT
en faveur du renouveau du syndicalisme au plan international
Au plan national
L’épisode de la volonté d’imposer la signature de l’accord sur la formation professionnelle.
Les récentes déclarations à la presse du secrétaire général affirmant « qu’il n’y a pas
d’opposition de principe entre patronat et salariés » ou celle selon laquelle il y aurait
« effectivement un problème de coût du travail dans certaines professions ». Le refus que
l’assurance chômage redevienne ce qu’elle était dans son projet initial à savoir une
branche de la sécurité sociale. Les récentes propositions sur les seuils sociaux qui
tendent à sortir le syndicat de l’entreprise au profit d’un syndicalisme institutionnel. Les
tergiversations confédérales sur les lois dites de décentralisation ou sur l’appropriation
collective des moyens de production et d’échange, c’est tout cela qui va à l’encontre d’un
syndicalisme de lutte ancré là où se joue l’affrontement capital/travail.
La vie de l'organisation a été délibérément négligée et ce dans tous les domaines. La
démocratie interne s'est atrophiée. L'expression de la CGT notamment à travers ses
publications a été sabordée. La lutte des places, les ambitions personnelles dans une
complète opacité sont devenues une façon d'être et de diriger. Ces comportements qui
bafouent nos règles de vie conduisent à remettre en cause le fédéralisme qui nous
caractérise comme un autre exemple le prouve avec la volonté d’en finir avec une
expérience unique en France et presque unique au monde d’un comité national des
chômeurs « organisation confédérée particulière » pour en faire, en violation des
statuts (art 20), un « dispositif » (sic !) sous la coupe de la direction confédérale.
Ainsi depuis des années le fossé n'a cessé de croître entre la confédération et l'ensemble
des organisations de la CGT en premier lieu avec les syndicats d'entreprises. Ce qui se
produit aujourd’hui est le résultat d’une dérive qui ne cesse de s’accentuer depuis presque
20 ans et ne pouvait que provoquer cette crise dont toute la CGT va devoir payer le prix,
d'autant qu'aucune justification ne pourrait réparer les graves erreurs qui ont été
commises en son nom. 3
Il faut défendre la CGT.
Celle-ci a un rôle et une mission : être l'outil syndical des travailleurs pour leurs luttes. La
CGT n’existe pas pour elle-même, elle n’existe que par rapport aux intérêts du monde du
travail. Toute la CGT se doit d'assumer les responsabilités qui sont les siennes et trouver
une issue à cette situation sans précédent ! Nous devons le faire sans attendre avec
lucidité sur notre état d’organisation, notre vivier de cadres, courage et esprit de
responsabilité.
Nombres de membres du bureau confédéral invoquant un complot, refusent tout débat et
les propositions qu’ont pu faire la CE et le CCN pour trouver des solutions afin de sortir de
cette spirale qui peut conduire à l’implosion. Devant cet autoritarisme des rencontres
informelles de dirigeants de fédérations se multiplient ainsi que des rencontres entre
professions et dirigeants de structures interprofessionnelles !
Nombre de directions d'UD et de Fédérations s'expriment ainsi que des centaines de
militants à titre collectif et individuel pour réclamer le débat qu'un petit nombre de
dirigeants confédéraux refusent.
La CGT n'appartient pas à quelques-uns mais à ses adhérents. Il y a urgence à rétablir les
prérogatives qui sont les leurs et placer les changements nécessaires sous leur contrôle.
Nous devons en finir avec le suivisme et le conformisme qui entravent l'action de la CGT.
Il faut que les syndiqués demandent partout la parole et décident dans leurs syndicats de
quelle CGT ils ont besoin.
Pour cela les élections de représentativité passées il est plus que temps d’exiger que
cessent ces pratiques qui conduisent le bureau confédéral après la sanction électorale du
4 décembre à annoncer la tenue d’une réunion des UD, des fédé et des comités
Régionaux avant la période des fêtes de fin d’année pour éviter les décisions que pourrait
prendre le CCN !
De nombreuses UD et fédérations de la CGT ont réclamé la tenue d’un CCN
extraordinaire dans les meilleurs délais afin que nous puissions répondre en toute clarté
aux syndiqués et aux salarié-e-s qui nous interrogent, ce que n’ont pas pu faire les
militants en campagne pour le vote CGT du 4 décembre et qui étaient questionnés.
Les adhérents de la CGT écœurés par ces pratiques condamnables, celles et ceux qui
luttent depuis des années contre les dérives, les abandons et le barrage au débat en
interne doivent se sentir confortés pour prendre toute leur place dans la vie syndicale de la
CGT et pour qu’ils se réapproprient leur CGT.
Le CCN doit maintenant jouer son rôle dans la situation exceptionnelle que rencontre la
CGT et durant la période qui précédera la tenue d’un congrès extraordinaire.
Il doit définir des règles claires de fonctionnement de la confédération, de gestion de ses
moyens financiers et humains, préciser les conditions des mandatements et de
représentation de la confédération dans la plus totale transparence, et en conformité avec
les règles de vie de toute la CGT.
Le CCN doit aussi clairement s’engager dans la construction d’un processus de luttes
convergentes contre l’austérité imposée par le gouvernement en accord avec le patronat
et l’Union Européenne.
Il doit le faire à partir d’une démarche d’ouverture pour rassembler le salariat avec toutes
les forces syndicales, politiques, associatives, mutualistes, qui se battent contre la
régression sociale, une démarche démocratique et pour le changement de société en
conformité avec les principes établis par la Charte d’Amiens. 4
Il doit créer les conditions d’un travail conséquent de formation des militants et syndiqués
de la CGT à partir d’une révision des contenus des programmes et d’une réappropriation
de la lecture par les militants et syndiqués comme de la culture du débat en ouvrant une
tribune permanente de discussions, dans « le Peuple » et la « NVO », sur des thèmes
qui suscitent interrogations depuis plusieurs années (financement de la protection sociale,
fiscalité, Nationalisations, travail salarié, salaire socialisé, qualifications, absence de
conquêtes depuis plus de vingt cinq ans malgré des actions interprofessionnelles
d’ampleur,…).
La préparation du Cinquante et unième congrès confédéral doit être mise à profit pour
renouer des liens avec tous les syndiqués et sans exclusive afin de faire le bilan de
ces années de renoncement, dégager une orientation conforme à ce que sont les
principes de la CGT et élire une nouvelle direction composée de militants issus des
diverses professions et Unions Départementales, d’expériences militantes et d’opinions
différentes qui devra diriger à partir de ce qu’expriment les syndiqués.
Voilà ce dont la CGT et les travailleurs ont besoin et en quoi nous croyons pour sortir la
CGT par le haut de cette impasse.
Dans cette passe difficile sachons prendre nos responsabilités et allons sur le terrain dans
les syndicats pour échanger avec celles et ceux qui font la CGT.
Pour signer cette adresse aux organisations du CCN (en son nom personnel ou au nom
d’une organisation de la CGT) envoyer un courriel à : defendons.la.cgt@orange.fr en
précisant les, nom, prénom, mandat éventuel et organisation.